Ci dessous, un travail d'analyse de mon héroïne BREZZA
Si vous voulez en savoir un peu plus sur Brezza,
n'hésitez pas à lire cette petite analyse des 4 premiers Tomes.
Campus Lettres & Sciences Humaines, Nancy, Année universitaire 2016/2017
Université de Lorraine
L3 Etudes Culturelles – Culture Contemporaine et
Productions de Jeunesse
CM Genres romanesques Grand public –
C. Chelebourg
Scylla PATE
Brezza, In vino Veritas |
"Brezza est une fille bien de
son temps1
mais pas tout à fait comme les autres. Bien qu'elle soit gourmande,
pleine de vitalité et qu'elle croque la vie à pleine dents, la
belle Brezza cache aussi ses noirs secrets. Dans le troisième tome2
de ses aventures on a notamment découvert une Brezza rongée par ses
origines qui ne connaît de son père que la peur immense que sa mère
lui voue. En effet, cet homme puissant a violé et séquestré sa
mère dans sa jeunesse avant que celle-ci, enceinte, ne s'enfuit pour
protéger sa fille ; elle se cache depuis et limite les contacts
avec Brezza au maximum en espérant que son bourreau ne les retrouve
jamais. Brezza a aussi connu d'autres aventures, femme fatale aux
formes pulpeuses, elle a notamment failli se faire harponner par un
ancien marin devenu fou, persuadé de voir en elle une dangereuse
sirène alors qu'elle chantait dans un cabaret pour gagner sa vie3.
Pour survivre à cette épreuve, son Jules, minuscule personnage qui
représente sa conscience, son mentor, son « Jiminy Cricket »
mais auquel elle voue néanmoins un amour passionné, est obligé de
disparaitre pour lui sauver la vie. Le croyant perdu à jamais, elle
décide finalement de reconstruire sa vie lorsqu'elle rencontre
Michel, un vigneron auprès duquel elle choisi de commencer une vie
simple et paisible, loin de ses aventures et de son passé trouble.
C'est néanmoins sans compter sur Jules qui ré-apparaît tout à
coup lors d'une nuit pas comme les autres.
-
Jules : un parfait lapin blanc
Lorsque Jules apparaît et
réveille Brezza, on ne peut que penser au lapin blanc qui s'apprête
à emmener Alice dans l'aventure. En effet, Jules est, de par leur
passé, associé aux aventures de Brezza mais aussi associé à
l'imaginaire, en raison de sa taille notamment : il n'existe
quasiment que pour Brezza dont il est la voix intérieure
personnifiée et est, dans les premiers tomes de ses aventures, le
vecteur d'un certain surréalisme. Il suspend partiellement les
règles qui régissent notre monde pour imposer des règles propres à
Brezza et lui, à leur amour. Ainsi, lorsqu'il apparaît à Brezza au
milieu de la nuit, il semble indiquer clairement la venue d'une
nouvelle aventure. La demoiselle en est d'ailleurs contrariée, on la
voit faire la moue et dire : « Jules, qu'est ce que tu
fous là ? Maintenant ? […] Pourquoi tu viens
maintenant ? »4.
On comprend que Brezza est déstabilisée, elle a peur du retour de
l'aventure dans sa vie qu'elle a enfin réussi à stabiliser ;
elle sait aussi qu'elle va devoir faire un choix entre ses deux
amours ou du moins entre ce qu'elle était avant et ce qu'elle est
aujourd'hui et donc encore s'affronter elle-même et ses désirs plus
que toute autre chose.
Malgré ses réticences
premières, ses sentiments reprennent rapidement le dessus et elle
savoure le plaisir de retrouver son Jules et donc sa voix intérieure,
son guide qui lui a tant manqué ; on ne sait néanmoins pas si
elle est prête à le suivre de nouveau dans l'aventure. Cependant,
le temps de la réflexion ne va pas lui être offert puisqu'elle va
voir son Jules attrapé dans la gueule d'un énorme chien et emporté
au loin5.
Ainsi, bien que Jules possède toutes les caractéristiques pour
faire un parfait lapin blanc, guide porteur de l'aventure, c'est ici
une catastrophe qui va, en la personne du chien, faire basculer
Brezza d'un monde à l'autre et l'amener dans ses péripéties.
-
Le dispositif du cyclone
a)
D'un monde à l'autre
Lorsque
le chien emporte Jules, Brezza, menée par ses émotions, le suit
alors qu'elle pourrait laisser son amour disparaître comme
lorsqu'elle l'a laissé disparaître en elle pour la sauver. Qu'elle
le suive montre bien que, d'un certain côté, sa vie aventureuse et
Jules lui manquent tout de même malgré le bonheur d'une vie
paisible dans les bras de Michel. Cela est d'autant plus significatif
lorsqu'on visualise Jules comme la conscience de Brezza, en un sens,
c'est elle qui décide de le faire revenir. Ainsi, Brezza pourrait
être perçue comme son propre lapin blanc néanmoins, si elle décide
de faire revenir Jules dans sa vie, elle ne prévoit en aucun cas
l'enlèvement par le chien qu'elle n'hésite pourtant pas une seconde
à suivre. Leur course-poursuite n'étant d'ailleurs pas sans
rappeler celle de la jeune Alice derrière le lapin blanc. Cependant,
le chien ne sera en rien un guide pour Brezza qui va chercher Jules
mais surtout se chercher elle-même et chercher des réponses dans
cet univers à part.
On
a véritablement affaire à un dispositif de la catastrophe comme
ceux que l'on peut retrouver chez Daniel Defoe ou Victor Fleming. En
effet, c'est la catastrophe que représente le nouvel arrachement de
Jules à Brezza qui amène cette dernière dans le monde secondaire :
le monde des dieux. En suivant le chien, la demoiselle pénètre dans
un tonneau troué sur lequel est inscrit « In
vino veritas »,
une mention qui nous fait comprendre que c'est à travers ce trou que
Brezza va trouver la vérité et donc se trouver. Il va donc être
question d'un parcours initiatique qui nous rappelle encore celui
proposé par Lewis Caroll puisque Brezza rentre dans un trou à la
suite d'un personnage énigmatique pour accéder à un univers
étrange et inconnu. Ne nous y trompons toujours pas, ces images ne
suffisent pas à nous faire rentrer dans les codes du lapin blanc et
c'est toujours pour résoudre sa catastrophe et reprendre ce qui lui
a été arraché que Brezza pénètre dans cet univers qui s'ouvre
sur un bar. En s'adressant au barman, elle se rend compte que ce
dernier n'est autre que Dyonisos, dieu grec du vin, des excès, du
théâtre et des plaisirs et qu'elle a pénétré dans « l'ailleurs,
l'au delà » comme
l’appellent les mortels ou « DivineLand »
selon ses habitants, les dieux de tous mythes et toutes religions.
Brezza refuse les
distractions et a pour seul but de retrouver Jules ; même si
elle a du mal à croire à l'existence de cet univers et a ce qu'on
lui raconte, elle finit par suivre les conseils de son hôte et
rejoins donc le royaume d'Hadès pour récupérer son Jules enlevé
par Cerbère. Elle accède donc à la faveur que lui demande le dieu
des morts et chante pour sa femme Perséphone avant que celui-ci
n'accède à sa requête et lui rende son amour. Elle va ensuite
aller de divinités en divinités en cherchant un moyen de rentrer
chez elle, les déités indiennes lui rappelleront les misères du
monde des humains pour essayer de la retenir tandis que les dieux
vikings lui proposeront une vie de volupté. Chacun d'entre eux va
essayer de la pousser à rester à DivineLand à sa manière en
rabaissant la réalité ou en montrant toutes les possibilités de
cet ailleurs. Cependant, bien qu'elle soit parfois tentée de rester
dans cet univers providentiel, Brezza se rend peu à peu compte de ce
qu'elle désire vraiment : rentrer chez elle. Elle finit par
trouver Monsieur El qui lui donne la possibilité de rentrer chez
elle à condition qu'elle prenne soin de Michel, son ancien archange
déchu dont elle partage à présent la vie.
A
l'image de Dorothy, Brezza est fascinée par cet univers magique et
divin qu'elle traverse et est tentée d'y rester pour échapper aux
misères humaines mais plus elle explore cet univers et plus elle
découvre les défauts de ce monde et des dieux qui le peuplent, leur
vanité notamment et donc plus elle aspire à rentrer chez elle.
Cette traversée du monde secondaire revalorise donc le monde
primaire et permet à Brezza de découvrir vraiment ce à quoi elle
aspire. Elle est prête à apprécier la simplicité de la vie avec
Michel sans néanmoins renoncer à son passé et à Jules que l'on
aperçoit sur quelques dessins6
à la fin, sur l'épaule ou le décolleté de Brezza, sans que Michel
n'en fasse mention, car il n'existe et n'est visible que pour elle.
Par ces péripéties elle a donc retrouvé son unité et est prête à
commencer une nouvelle vie et à l'apprécier pleinement, sans
regrets. Grâce à cet enlèvement de Jules par Cerbère, on rétablit
un monde dans lequel cet enlèvement est impossible car Brezza est à
présent sereine et complète, elle n'a plus besoin de rejeter ou de
rappeler sa conscience en la forme de Jules, ni leurs aventures
passées. C'est elle qui a fait revenir Jules à ses côtés par
choix et elle l'accepte dans sa nouvelle vie auprès de Michel. Ainsi
elle n'est plus tiraillé par les doutes envers sa nouvelle vie et ne
se jettera plus dans l'aventure au premier prétexte ; la boucle
est bouclée et l'équilibre entre Brezza et son monde primaire est
rétablit.
b)
La notion de rêve
Comme dans Le magicien
d'Oz, figure majeure de l'utilisation du dispositif de la
catastrophe, on a la notion de rêve. Brezza est tirée de son
sommeil par Jules et c'est au beau milieu de la nuit que le chien
l'emporte et, lorsque El lui offre le moyen de rentrer chez elle,
c'est en se réveillant avec les mots du Dieu à la bouche qu'elle
ré-apparaît dans son monde. Michel trouve des traces physiques de
sa sortie avec le plaid sale et déchiré et Jules est toujours
présent – du moins pour Brezza – mais le réveil de cette
dernière semble indiquer qu'elle a rêvé toute cette histoire. On a
donc un doute sur la véracité de son aventure qui pourrait n'être
qu'un cauchemar dont elle a réussi à se sortir. Que ces péripéties
aient été réelles ou non, elles ont néanmoins permis à Brezza de
se rendre compte de sa chance et d'apprécier à sa juste valeur sa
vie simple et l'amour dont l'entoure Michel.
Bien que de nombreux clins
d’œils soient fait à l’œuvre de Lewis Caroll et au dispositif
du lapin blanc, notamment via Jules – guide intérieur projeté par
Brezza – , c'est bien un dispositif du cyclone qui va amener Brezza
dans l'aventure à travers la figure du chien qui enlève son petit
Jules et, dans un sens, la projette à DivineLand. Si ce monde
secondaire est bien le lieu de l'aventure, Brezza ne va cependant pas
s'y attarder car elle va y goûter à la vanité des dieux, à leurs
rivalités, en bref, à leurs défauts et se rendre compte du bonheur
qu'elle possède déjà au sein de son monde primaire. Ainsi, son
univers dont elle doutait au début du récit, doutes confirmés par
l'arrivée de Jules, va être revalorisé et elle va vouloir le
retrouver à tout prix. Elle va donc renoncer aux plaisirs divins
pour retrouver une vie simple, heureuse et mortelle avec Michel qui a
lui aussi refusé l'éternité dans la demeure des dieux. Par ce
schéma on a une réhabilitation de la réalité et un enchantement
du quotidien propres aux dispositifs de la catastrophe. Comme Dorothy
renonce à Oz pour le Kansas, Brezza renonce à DivineLand pour un
domaine viticole perdu et un homme qui l'aime. Sur la dernière
planche7
on la retrouve heureuse et complète avec Michel à ses côtés mais
aussi Jules – sa conscience qu'elle accepte à nouveau –, libérée
de ses doutes."
1 Céka
(scénar.), Etienne M., Brezza : Une fille bien... De son temps [T1]. Sézanne :
Objectif Mars Editions (2012), coll. « Solo-Moon ».
2 Haziza
Gaëlle (scénar.), Etienne M., Brezza : Fines Bulles
[T3]. Sézanne : Objectif Mars Editions (sept. 2015), coll.
« Solo-Moon ».
4 : Bernardon
Sophie (scénar.) Etienne M., Brezza : In vino veritas
[T4]. Sézanne :
Objectif Mars Editions (sept. 2016), coll. « Solo-Moon »,
p.6-7.
Brezza, In vino Veritas, P6 |
Brezza, In vino Veritas, P7 |
5 : Bernardon Sophie (scénar.) Etienne M., Brezza :
In vino veritas [T4].
Sézanne : Objectif Mars
Editions (sept. 2016), coll. « Solo-Moon », p.8-9.
Brezza, In vino Veritas, P8 |
Brezza, In vino Veritas, P9 |
6 : Bernardon Sophie (scénar.) Etienne M., Brezza :
In vino veritas [T4].
Sézanne : Objectif Mars
Editions (sept. 2016), coll. « Solo-Moon », p. 40-41.
Brezza, In vino Veritas, P40 |
Brezza, In vino Veritas, P41 |
7 : Bernardon
Sophie (scénar.) Etienne M., Brezza : In vino veritas
[T4]. Sézanne :
Objectif Mars Editions (sept. 2016), coll. « Solo-Moon »,
p. 42.
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